Camille MARTINI est gérante de fortune au sein d' une société de gestion basée à Genève. Elle nous livre une nouvelle fois sa vision de la situation du moment.
ZONE-TRADING : 2010 devait être l' année de la " fameuse " reprise. La déroute des marchés n' était désormais plus qu' un lointain souvenir, et tout allait repartir comme au bon vieux temps...
Camille MARTINI : Il ne faut jamais vendre la peau de l' ours avant de l' avoir tué. Et à fortiori, avant de l' avoir vu.
ZONE-TRADING : Les publications de bon nombre d' entreprises n' étaient pourtant pas si mauvaises...
Camille MARTINI : Vous avez raison. Elles étaient même bonnes. Mais de quoi parlons nous ? De quelles bases partions nous ? On revenait de loin. La base était tellement mauvaise qu' il était quand même difficile de faire pire. Dans de telles conditions, on ne pouvait donc-pratiquement-que faire mieux. Mais ce qui compte c' est l' avenir. Or le marché n' est pas dupe.
Z-T : Le marché a t-il toujours raison ?
C. MARTINI : Le marché a raison plus que jamais. Il anticipe toujours, et plutôt fort bien. Il voit bien que la situation de la zone euro notamment, n' est plus tenable.
Z-T : Un retour sur les 3000 pts pour le CAC est-il de nouveau envisageable ?
C.MARTINI : Il n' est en tout cas plus à exclure. Et ce alors, qu' on n' y pensait même pas au début de cette nouvelle année 2010. Tout va vite, très vite. La visibilité économique est devenue nulle. Dans de telles conditions, il n' est donc absolumement pas étonnant que les marchés décrochent significativement.
Z-T : Les marchés anticipent toujours dit-on, mais qu' anticipent-ils actuellement ?
C.MARTINI : Tout simplement la RECESSION !
Z-T : A ce point là ?
C.MARTINI : Oui. La récession est derrière la porte, tout le monde le sait.
Z-T : Etonnant quand on parlait encore de reprise il y a seulement quelques semaines ?
C.MARTINI : Qui parlait de reprise ? Les politiques uniquement, et à des fins populistes. Rien de plus. Les politiques ne font que de la politique, et essayent de gagner du temps en pensant-fort naivement-que les choses peuvent s' arranger par la suite comme par miracle. Mais il n' en est évidemment rien. La réalité reste bien plus forte.
Z-T : L' Euro est-il vraiment en danger ? Après tout, il n' est finalement pas si faible.
C.MARTINI : L' Euro est assurément en danger, même s' il n' est effectivement pas si faible. Mais encore une fois, il s' agit d' anticiper, et en la matière, force est de constater que la visibilité est nulle. Dans ce contexte, l' Euro peut donc très bien " sauter ", sur le papier tout du moins.
Z-T : Ne s' agit-il pas que de spéculation autour de l' Euro ?
C.MARTINI : Bien sûr que oui. Mais cela ne change rien. Ces attaques à l' endroit de l' Euro sont parfaitement cohérentes. Des " SOROS " ou des " PAULSON " ne décident pas un beau matin de " s' attaquer " à une monnaie ou tout autre chose par hasard. Dans la Finance, on ne s' attaque pas à quelqu' un en pleine forme, mais bien à un " malade ".
Z-T : Les agences de notations ont d' ailleurs été sérieusement montrées du doigt par rapport à tout cela, qu' en pensez ?
C.MARTINI : Si vous êtes malade, vous pouvez toujours refuser de l' accepter, casser le thermomètre, dire que le médecin est un incapable, cela ne changera pas grand chose. Vous ne pourrez pas vous lever pour autant. Avec les agences de notations c' est exactement la même chose. De plus, tout le monde connaissait leur diagnostic depuis fort longtemps, politiques y compris.
Z-T : Les politiques étaient donc au courant ?
C.MARTINI : Bien évidemment. Ils ne pensent même qu' à ça. Mais encore une fois, il s' agissait de gagner du temps, en croyant que les choses allaient s' arranger comme par miracle. C' est toujours la même chose. Même si les agences de notations sont loin d' être irréprochables, on ne peut tout de même pas les accuser de faire leur travail. Ou alors il s' agit de ne pas consulter son medecin quand on sait qu' on est malade.
Z-T : Tout le monde se pose également la question de savoir comment un pays aussi peu représentatif-économiquement parlant-que la Grèce a t' il pu autant mettre le feu aux poudres.
C.MARTINI : La Grèce n' est que la partie visible de l' iceberg. Derrière, il y a l' Espagne, le Portugal ( dans une moindre mesure ), mais également l' Italie, et aussi la...France... Encore une fois, les marchés ne décrochent pas par le simple fait du hasard. Ils anticipent à " merveille " une situation qui ne cesse de se dégrader, et que les politiques ont préféré nier.
Z-T : Les politiques s' en sont pris une fois de plus aux SPECULATEURS, les accusant de tous les maux, une fois de plus. Il y a même eu une déclaration de " guerre " à leur endroit.
C.MARTINI : Il fallait comme toujours verser dans le populisme de bas étages pour essayer de gagner du temps. Tout ceci fait évidemment bien rire les concernés. Croyez vous franchement que " spéculateurs " vont se laisser impressionner par les propos démagogiques de trois politiques qui pataugent ? Il ne fallait surtout pas déclarer la guerrer aux spéculateurs. On ne déclare pas la guerre à une ennemi qu' on sait bien plus fort. C' est totalement suicidaire. Les marchés sont en train de faire payer très cher cette tentative d' intimidation de la part des politiques. Les intérêts ne sont absolument pas les mêmes, et il est vraiment illusoire, pour ne pas dire totalement naîf, pour croire un instant que les spéculateurs vont se racheter une conduite. Le monde de la Finance est quand même un peu plus complexe que cela.
Z-T : " Balancer " 750 milliards d' euros était-il nécessaire ?
C.MARTINI : Peut être. Mais il ne fallait pas le faire si vite. Alors que les pays de la zone euro ont mis un temps fou pour se décider à sauver la Grèce, voici qu' ils débloquent 750 milliards d' euros en un week-end. Il ne fallait donc pas s' étonner du phénomène spéculatif ayant eu lieu le 10 mai dernier, et par les mêmes spéculateurs qui avaient tué le marché les jours précédents bien entendu. En fait, depuis cette nouvelle " crise " financière, il n' y a que des " spéculateurs " sur les marchés. Les politiques leur demandent " juste " de changer de sens. Or, la siutation actuelle et à venir, les incitent bien à " jouer " la baisse.
Z-T : Angela MERKEL, a, " en solo " interdit la vente à découvert de certains produits dérivés, était-ce une bonne décision ?
C.MARTINI : Angela MERKEL a manifestement été très mal conseillée. Elle s' est précipitée sans vraiment comprendre la problèmatique. Mais comme pour les 750 milliards d' euros, Angela MERKEL a manifestement confondu vitesse et précipitation. Cette précipitation correspond cependant à une certaine logique. Quand on tarde à prendre une décision rapidement ( comme pour le sauvetage de la Grèce ), on est alors bien trop rapide pour prendre la suivante. Le plan des 750 milliards d' euros, et l' interdiction de vente à découvert, en sont une nouvelle fois la preuve.
Z-T : Suite à cette annonce, les marchés ont de nouveau paniqué.
C.MARTINI : Ce ne sont pas les marchés qui ont paniqué. Les marchés ne paniquent pas. C' est bien Angela MERKEL qui a paniqué. Elle lance un sordide signal : " je panique, soyez " gentils " sinon je sors mon bâton... ". Bien entendu face à ce type d' intervention, les marchés ne peuvent que " rire ". On apporte ainsi de l' eau à leur moulin en confirmant haut et fort que la situation est grave. Pas étonnant que les marchés décrochent alors encore de nouveau dans la foulée. En matière de Bourse, il ne faut jamais mettre de l' huile sur le feu, et ne jamais s' attaquer à bien plus fort que soi. Ce sont les marchés les plus forts. Les politiques doivent faire en sorte de les satisfaire, mais surtout pas de les combattre. Personne ne peut s' attaquer aux marchés. Personne.
Z-T : Dans le même registre, on montre sans cesse du doigt les " fameux " HEDGE FUNDS en accusant certains d' entre eux d' avoir même décidé de " tuer " l' Euro. Certains dirigeants de ces fonds spéculatifs se seraient même réuni autour d' une bonne table de NEW-YORK il y a quelques mois, en se disant : " Nous allons " tuer " l' Euro... ". Qu' en est-il vraiment ?
C.MARTINI : Les dirigeants de HEDGE FUNDS n' ont pas besoin de se réunir autour d' une table pour se dire : " allez, on va attaquer l' Euro, qu' en pensez vous ? ", ou alors sous forme de boutade. En travaillant de la même façon, ils font implicitement les mêmes constats, en prenant donc les mêmes décisions au final. Ils sont là avant tout pour faire de l' argent. Les problèmes de l' Europe, et donc de l' Euro, ne datent pas d' hier. Il n' y a donc en aucun cas une forme de " complot " pour attaquer " quelqu' un " au hasard. Il s' agit de faire de l' argent. Il faut donc s' attaque au maillon faible. Mais la responsabilité du maillon faible reste politique. Après il s' agit juste à certains de jouer les " vautours ".
Z-T : Comment sauver l' Europe ?
C.MARTINI : L' Europe restera embourbée durant une longue période. L' opinion publique en a d' ailleurs parfaitement conscience. On n' efface pas d' un coup de baguette magique des decennies ( car il s' agit bien de cela ) de mauvaise gestion. Les politiques pensaient-fort naivement encore une fois-que la croissance à venir allait régler tous les problèmes, et qu' il n' était donc absolument nécessaire de maîtriser les déficits, et que l' endettement n' était finalement pas si problèmatique que cela. On voit aujourd' hui le résultat de cette gestion calamiteuse qui touche quasiment tous les pays de la zone Euro, sans même compter la Grande-Bretagne d' ailleurs. La seule réponse reste à présent la RIGUEUR avec un grand " R ". Mais encore une fois, certains, comme SARKOZY par exemple, vont préferer mentir à l' opinion publique plutôt que de la responsabiliser.
Z-T : Mais qui dit " RIGUEUR ", dit forcément " pouvoir d' achat " en baisse.
C.MARTINI : Evidemment. Et donc recession. C' est cela que les marchés anticipent si " bien ". La " reprise " n' est désormais plus à l' ordre du jour. La RECESSION est désormais sur toutes les lèvres, et l' opinion publique publique l' a senti avant même les politiques, ce qui en dit long.
Z-T : En France, plusieurs réformes sont cependant en " route " pour tenter de contrer la problèmatique économique, est la bonne façon d' agir ?
C.MARTINI : Les réformes, il fallait y penser avant. Bien avant. La réforme française de la retraite qui ferait d' ailleurs sourire si les conséquences à terme n' étaient pas si dramatiques. Pousser les gens à travailler plus, alors que dans le même temps le chômage des jeunes atteint des sommets, et que les plans de préretraite deviennent légion, a quand même quelquechose de totalement ubuesque. Les politiques marchent sur la tête.
Z-T : Merci à vous.
C.MARTINI : A votre disposition. Merci
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