Thomas Valais, 34 ans est Gérant de Fortune chez ABC CAPITAL à Genève. Il nous livre sa vision des choses. Il est notamment spécialiste des valeurs immobilières.
zone-trading : Alors, sortie de crise ?
Thomas Valais : Nous avons de bonnes raison de le croire, même si la " machine " économique ne va pas se remettre en route du jour au lendemain. Le pire semble être derrière nous.
Certains, de plus en plus nombreux d' ailleurs, parlent d' une crise " mascarade ". On aurait charger la mûle pour être plus compétitif
Si on regarde par exemple ce qui se passe au niveau des " grosses " banques américaines, on peut en effet se poser quelques questions. Plus de 50 banques régionales américaines ont fait faillite. Cela ne peut donc que profiter à certaines autres si vous voyez ce que je veux dire.
Pour prendre l' exemple de ces " petites " banques, les autorités américaines ne sont absolument rien fait, comment expliquez vous cela ?
Comme le faisait très justement remarquer un intervenant ici il y a quelques temps, on ne prête qu' aux riches.
L' opinion publique a du mal à comprendre les raisons de cette crise. Quelle est sa véritable origine ?
Au départ il s' agissait de faciliter l' accès à la propriété pour des ménages qui, sur le papier, ne pouvaient absolument pas y avoir droit. Les responsables politiques ont donc décidé d' ouvrir les vannes du crédit à risques. Les spécialistes du crédit hypothécaires notamment, se sont bien évidemment précipités sur ce nouveau marché qui promettait d' être très rénumérateur.
On ne prête pourtant pas qu' aux riches ?
Dans ce cas précis non. Bien au contraire. En fait les populations à risques sont très intéressantes.
Comment ça ?
Paradoxalement, un ménage modeste est bien plus intéressant qu' un ménage qui ne l' est pas. Il est en effet bien plus rénumérateur de placer un prêt auprès d' un ménage modeste. Les " pauvres " rapportent bien plus que les " riches ", sur le papier tout du moins. Comme nous avons pû le voir, le niveau des taux des " subprimes " étaient en effet astronomiques. Un emprunteur averti n' aurait jamais accepté un tel niveau.
D' autant que le système américain reste très permissif en la matière. On " vend " en effet un crédit, comme on pourrait vendre un aspirateur au pays de l' Oncle SAM
Oui effectivemment. Les américains restent des spécialistes pour faire feu de tout bois. Ailleurs, si vous souhaitez obtenir un prêt, il vous faut pousser la porte d' une banque ayant pignon sur rue. Aux Etats-unis, quelqu' un sonne chez vous, et vous propose un aspirateur, ou un...prêt hypothècaire. C' est aussi simple que cela, et on comprend mieux les dérives.
Les autorités américaines n' ont cependant toujours pas compris apparemment. Le " système " étant toujours à l' ordre du jour aux USA.
Rien n' a changé en effet. Il est toujours possible d' aller solliciter un ménage modeste pour lui proposer un prêt à taux démentiel. Rien n' a changé. Alors bien entendu, par la force des choses, les sollicitations des ménages modestes sont en période de calme plat, mais sur le papier rien n' a changé. Ce sera de nouveau possible demain.
Inquiétant non ?
Bien sûr. La responsabilité est avant tout politique, mais force est de constater que les politiciens, de tous les pays, sont complètement déconnectés des réalités économiques.
Soyons très clair pour nos lecteurs. Si un ménage américain modeste décide demain de demander un prêt hypothécaire pour acquérir une maison, il le peut ?
Rien n' a changé. Il le peut bien évidemment, et je vous invite à ce propos à aller sur les sites des spécialistes américains du crédit hypothécaire pour vous rendre compte que les conditions d' accès restent étonnement peu restrictives.
Cela paraît démentiel.
Ca l' est. Mais c' est toujours ainsi. Les choses ne changent jamais vraiment dans la vie.
A ce propos justement, on nous rabat les oreilles en permanence, en évoquant que le monde a changé, ou tout du moins qu' il va forcément le faire.
Les choses changent dans la continuité, mais pas de manière radicale. Il n' y a pas un " avant " et un " après ". Ces voeux pieux ne peuvent émaner que de personnes naives. La crise actuelle est un accident de parcours en fait.
Un " accident " de parcours qui coûte quand même très cher.
Très cher en effet, d' autant que le montant total de la facture n' est pas encore connu actuellement, et que personne ne sait encore comment et quand elle va être acquittée.
Revenons un peu sur ces fameux " subprimes ". Pour quelles raisons les ménages à risques sont-ils si intéressants ?
D' une part, comme signifié un peu plus haut, parcequ' ils rapportent beaucoup, mais en étant finalement pas tant à risques que cela, mais en théorie uniquement.
Les taux supérieurs à la moyenne permettent de se prémunir contre le risque ?
Oui bien sûr. Mais c' est un peu plus compliqué que cela en fait. Quand vous prêtez de l' argent à une personne modeste, il est normal que le coût de l' argent soit plus cher que pour une personne qui a les reins plus solides. Mais là on a vraiment dépassé les bornes. Le coût de l' argent était vraiment excessif, et sans rapport avec le risque initial, mais une fois encore, sur le papier, pas dans la réalité.
Quel était le raisonnement des spécialistes du crédit hypothécaire ?
Fort simple. Prêtons de l' argent ( cher ) aux revenus modestes, en chargeant vraiment la barque, c' est à dire en se rénumérant bien plus que de raison sur le risque, en se justifiant justement avec ce même risque. Sans qu' en fait il y ait vraiment de véritable risque à l' arrivée.
Comment ça " pas de véritable risque à l' arrivée " ?
Sur le papier, quand vous faites un prêt hypothécaire à une personne modeste pour qu' elle devienne propriétaire, vous ne prenez en fait pas grand risque, pour la bonne et simple raison, qu' au pire des cas, vous allez " récupérer " son bien immobilier. Mais il s' agit d' une théorie sur le papier, or, dans la réalité, les choses ne se passent jamais comme sur le papier.
On revient donc à cette logique que le marché immobilier ne peut que progresser.
Exactement. Tout le monde y croit toujours. Cela recommencera un jour ou l' autre. Vous verrez.
Donc, résumons un peu pour nos lecteurs : une société X de prêts immobiliers prêtent donc de l' argent cher, même très cher, à des ménages modestes, en se disant qu' en cas de défaillance éventuelle des intéressés, il lui suffira de récupérer le bien financé. Le risque est alors nul, et dans l' absolu, la defaillance peut donc même devenir une bonne affaire pour la société en question.
Exactement. Sauf que. Sauf que si le taux de défaillance est dérisoire, c' est évidemment intéressant. Mais quand le taux de défaillance atteint des proportions astronomiques, comme ce fût le cas, c' est évidemment la catastrophe. Vous pouvez en effet récupérer tous les biens que vous voulez, vous ne parviendrez plus à les vendre. Il n' y aura plus d' acheteurs en face, et loi de l' offre et de la demande oblige, la dépréciation sera alors massive.
Tout pourrait recommencer un jour ou l' autre ?
Tout recommencera un jour ou l' autre.
La " solution " consisterait alors à ne prêter qu' aux riches ?
Oui. En théorie tout du moins. On entre alors dans le grand débat de fond sur le capitalisme.
Comment se fait-il tout de même que tout le monde se soit engouffré dans cette brèche sans réfléchir une seule seconde sur les éventuelles conséquences ?
Tout simplement parcequ' il y avait des " dollars " à faire. L' argent rend aveugle.
Le monde n' a donc pas changé ?
Le monde change dans la continuité, mais l' homme ne change jamais. Mais s' il ne change pas, c' est peut-être tout simplement une question de...survie. L' être humain reste un angoissé, et fait donc les choses pour survivre. Et pour survivre, il faut parfois " manger " son semblable.
Pourquoi selon vous, les " capitalistes " accumulent t-ils autant de richesses sans réel désir de les partager ?
Encore une fois pour une quesiton de survie. Plus vous êtes angoissé, plus vous allez accumuler.
Les capitalistes seraient donc de grands " angoissés " ?
Je vais vous donner un exemple très précis. J' ai parmi mes clients un homme de 78 ans qui possède, tenez vous bien, pas moins de 47 appartements sur le bassin genevois. Il vit pour sa part dans un appartement somme tout assez modeste. Il possède en outre un portefeuille de placements financiers largement assez fourni. Cette année, en 2009 donc, et dès le premier jour de l' année, il me téléphonait chaque jour à 9 heures pour savoir qu' elle serait la tendance du jour. Pendant quelques semaines je lui ai répondu courtoisement, sans savoir qu' il possédait autant d' actifs immobiliers. Etant donné la situation du moment, son " angoisse " concernant ses placements financiers pouvait donc être légitime. La situation s' aggravant, son angoisse prenait des proportions inquiétantes. J' ai donc proposé à ce monsieur de me rendre visite. J' ai alors découvert un homme térriblement angoissé, malheureux. me disant que le coût de la vie augmentait sans cesse. J' ai tenté de rassurer ce brave homme, et après l' avoir racompagné, j' ai croisé un de mes collègues en lui disant : " pauvre type, ça fait de la peine, espérons que le marché remonte ". Mon collègue s' est alors mis à rire en me disant : " tu sais combien ce bougre pèse ? Il a la moitié de la ville ". J' avais du mal à y croire mais c' était vrai. J' ai reconvoqué ce monsieur, et lui ait presque passé un savon, en lui demandant ce qu' il en était. Il me dit alors qu' il avait effectivement 47 biens immobiliers sur le bassin genevois. Je lui signifie alors qu' il n' avait alors aucune raison de s' angoisser par rapport à la dépréciation de ses placements financiers, qui représentait une valeur totalement dérisoire par rapport à celle de ses actifs immobiliers. A ma grande stupéfaction, il me dit alors : " je déteste le capitalisme, il m' a rendu fou et malheureux ". En " creusant " un peu, je me rend compte que ce " brave " homme est en froid avec ses enfants, et que son épouse ne supportait plus ses angoisses et qu' elle a préféré partir depuis bien longtemps. Il m' évoque alors le fait qu' étant jeune, marié, il ne parvenait même pas à payer son modeste loyer, mais qu' il était finalement heureux, et bien moins angoissé à cette époque. Il m' avoua alors que toute sa vie avait été construite afin de pallier à ses angoisses. En forme de boutade, mais peut-être pas tant que cela, il me lança : " il devrait y avoir une loi interdisant de posséder plus de 2 ou 3 biens immobiliers ". Et régulièrement, il me téléphone en me disant : " vous avez vu, le marché immobilier s' écroule à Genève... "
L' être humain reste en effet sujet à l' angoisse, rien ne changera à ce niveau là.
Oui. L' homme accumule pour pallier à ses propres angoisses existentielles.
Merci pour cette entretien.
C' est moi qui vous remercie. Au plaisir.
Lire EGALEMENT :
Brice Lombardini, Gérant : " Ne crions pas victoire trop vite " Marc Duvalier, TRADER : " nos bonus n' ont rien d' indécents " Marie N., TRADER : " Nous en avons assez de cette vindicte ! " Charles Goussard, TRADER : " rien n' a changé, fort heureusement..." Camille Martini : " Il y a encore un potentiel de hausse " Amandine Rochet, gérante de fortune .